

Bon, je peux bien vous le dire, maintenant.
La raison pour laquelle j'ai fait mon lourd avec le post précédent est que je voulais absolument vous faire part de ma passion pour James Yancey, a.k.a. Jay Dee, a.k.a. J Dilla.
Ce producteur de génie était la véritable pierre angulaire du collectif des Soulquarians. Si Questlove était celui qui était souvent mis en avant, c'est tout autant pour ses qualités de producteur, de bon interviewé que de bon gestionnaire (celui capable de réunir tout le monde, c'était lui). Par contre, le véritable inspirateur de l'ensemble était Jay Dee.
Ma découverte de ce producteur incroyable s'est faite en deux temps.
Un premier à travers un son de dingue pour l'époque : Runnin' du groupe de hip hop californien The Pharcyde, sorti sur leur album Labcabincalifornia en 1995. D'ailleurs, le nombre de reprises (the Visioneers, dernièrement) ou de références à ce morceau est indénombrable (Hocus Pocus en jouait un extrait dans les premiers instants de leur dernière tournée et il est rare de passer une soirée hip hop digne de ce nom sans en entendre quelques notes).
Dans un deuxième temps, je me souviens avoir lu une interview de Questlove (the Roots) dans un fanzine consacré au hip hop. C'était lors de leur tournée en 1996, à l'occasion de son passage à Nantes. Au détour d'une question, Amir Thompson s'est interrompu pour faire écouter un CD à l'interviewer en lui disant : "écoute ça, c'est le son du futur. C'est un groupe de Detroit qui s'appelle Slum Village". Vu ma passion pour the Roots et ma dévotion au dieu Questlove, il fallait absolument que je sache de quoi il s'agissait. Il aura fallu attendre plus de trois ans et la sortie de l'album "Fantastic vol. 2" de Slum Village pour faire le lien avec le morceau des Pharcyde. Entre temps, de nombreux morceaux sont parvenus à mes oreilles, sans que je sache qu'il s'agissait toujours du même producteur. Mais après tout, c'est normal, Jay Dee avait un jour dit que ce dont il rêvait, c'était de créer des morceaux si différents qu'il serait impossible de le reconnaître.
Mais reprenons un peu son histoire.
Jay Dee venait de Detroit, ville ouvrière dédiée au secteur automobile. Le climat musical y est principalement tourné vers la house music (dont c'est le berceau), mais on peut également y croiser quelques producteurs de hip hop avec un son spécifique. En ce qui concerne Jay Dee, il croisera surtout Amp Fiddler - joueur de clavier génial, très porté sur le funk pesant du type P-funk (Bootsie Collins) ou du style de George Clinton ou Prince (avec qui il jouera pendant quelques années). Bon, tout ça pour dire que c'est Amp Fiddler qui a le premier mis une boîte à rythme dans les mains de Jay Dee.
Il ira plus tard travailler à Los Angeles pour les Pharcyde, mais c'est ensuite sur la côte Est des Etats Unis qu'on le retrouve, à travers des productions conjointes avec les membres du groupe A Tribe Called Quest. Les morceaux sont signés The Ummah (d'où mon ignorance quant à la présence de Jay Dee), et voient le style s'épurer petit à petit. On le retrouve également à la production pour De La Soul, mais aussi (et surtout) pour Janet Jackson et son morceau Got til it's gone (avec Q-tip).
Il reste cependant relativement discret pendant toute cette période et la véritable reconnaissance viendra de la sortie de Fantastic vol. 2 (2000), premier album officiel de son groupe de Detroit Slum Village. Un premier album est resté dans les cartons de sa première maison de disque et un second est paru sous le nom de J88 (Best Kept Secret, 2000).
En reprenant l'article consacré aux Soulquarians, vous vous apercevrez de l'abattage de Jay Dee, qui aura participé activement aux albums de A Tribe Called Quest (1998), The Roots (Things Fall Apart, 1999 ; Phrenology, 2002), Common (Like Water For Chocolate, 2000 ; Electric Circus, 2002), Erykah Badu ( Mama's Gun, 2000), Bilal (1st Born Second, 2001).
Et parallèlement, il commence sa carrière solo en 2001, par un morceau incroyable de tension, nommé Fuck The Police, produit en une nuit, suite à un contrôle de police un peu musclé qu'il avait subi quelques heures auparavant. Il enchainera ensuite les albums solos, et des collaborations diverses, comme celle avec son alter ego californien Madlib (sur l'excellent album Jaylib dont on vous reparlera sous peu).
Bref, un emploi du temps bien rempli. Surtout quand on sait qu'il a lutté pendant des années contre une maladie sanguine face à laquelle il a déposé les armes le 10 février 2006. Les derniers albums (Donuts et The Shining) ont d'ailleurs été en partie produits à l'hôpital, un Macbook sur les genoux, une petite platine vynil à ses côtés.
Les références à l'oeuvre de Jay Dee sont diverses. Hocus Pocus, eux encore (dans le morceau Voyage Immobile, Place 54, 2007), The Visioneers, The Roots, Stevo, Madlib et bien d'autres encore ont tous témoignés dans leurs albums de leur considération pour Jay Dee. C'est le cas de Robert Glasper et Mos Def, pour une petite vidéo capturé live. Mais c'est surtout dans la musique produite par d'autres artistes que l'on sent le plus l'influence de Jay Dee : Sa-Ra, Strange Fruit Project, Stevo et bien d'autres encore dont vous devriez entendre parler sous peu ici même. Dernièrement, deux enregistrements sont parus (en plus des albums posthumes qui sortent régulièrement) : le premier album de son petit frère (Illa J, "Yancey Boys", 2009 -sur des morceaux produits par J Dilla peu avant sa mort), et surtout A suite For Ma Duke, un Ep de 4 titres et autant de reprises de Dilla par orchestre symphonique, dont les bénéfices sont reversés à la mère de James Yancey, lourdement endêtée par le coût des soins prodigués à son Dilla (à vot' bon coeur...).
Bon, trève de bla-bla (assez pour aujourd'hui) et place à la musique :
Le second morceau est issu du premier album posthume de Dilla et représente bien la dernière partie de son oeuvre, plus axée sur le travail en solo (à cause de sa maladie qui le forcera à des séjours répétés à l'hôpital), n'empêchant pas des featurings généralement excellents, où on retrouve cette recherche d'instabilité dans le son, une sorte de déséquilibre constant.

Dans le cas où les ayants-droits de ces morceaux le souhaiteraient, nous pouvons supprimer les liens de téléchargement. Il suffit de nous en faire part dans les commentaires.
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